Corps et dispositifs / Entretien avec Nicole Seiler

Corps et dispositifs technologiques : vers de nouvelles métamorphoses
Entretien avec Nicole Seiler

Réalisé par Ester FUOCO©

CRITIQUES. Regard sur la technologie dans le spectacle vivant. Carnet en ligne de Theatre in Progress avec Comité de lecture (pour cet article : Théo Arnulf, Stéphanie Barbetta, Mélissa Bertrand, Simon Hagemann, Jeremy Perruchoud, Izabella Pluta)

Cet entretien a été réalisé dans le cadre de ma thèse de doctorat intitulée Ailleurs et autrement : rebondissements du théâtre contemporain, soutenue le 14 juin 2019 à l’Université de Gêne. La conversation a eu lieu en juin 2018 lorsque Nicole Seiler travaillait sur le spectacle Palimpseste.

Ester Fuoco : De Madame K, votre premier spectacle signé en 2004, à Palimpseste, le dernier en date de 2018, vous avez recherché la distinction entre l’être et l’apparaître du corps. Dans cette perspective, la manipulation technologique subie par ce dernier est pourtant voulue et recherchée.
Comment est né cet intérêt pour l’interaction corps/technologie ?

Nicole Seiler, Phot. Julie Masson©

Nicole Seiler : Commençons par la première question : « pourquoi j’utilise les nouvelles technologies ? » Pour moi, c’est juste un petit plus de les utiliser, que ce soit sur scène ou ailleurs. Elles peuvent jouer le rôle d’un costume, d’une musique, d’une lumière, entre autres. C’est un outil supplémentaire qui, suivant l’objet ou le contenu de la pièce, apporte du sens. Pour moi, il doit y avoir un lien entre le fond et la forme d’un projet. Ensuite, les démarches technologiques offrent plusieurs possibilités et je pense qu’elles permettent aussi de créer de la magie et de transformer la scène en une black box en quelque sorte. J’aime bien personnellement aller au théâtre en tant que spectatrice et être entraînée dans un autre monde, amenée à rêver ! Et souvent les nouvelles technologies, et les techniques en général, offrent la possibilité de nous emmener ailleurs. De plus, on vit aujourd’hui dans un monde où la technologie est de plus en plus une extension de nous-mêmes. Nous avons tous notre propre smartphone et tout est automatisé au point de perdre de vue les limites de ce rapport. A mon avis, réfléchir sur le monde, dont la technologie et les machines font partie, représente notre quête contemporaine. Par cette dernière, j’entends la réflexion qui questionne très profondément l’humain, c’est-à-dire « qui sommes-nous aujourd’hui ? », « pourquoi sommes-nous là? ».

Lire la suite de Corps et dispositifs / Entretien avec Nicole Seiler

Image projetée au théâtre/Entretien avec Iliya Chagalov

Enjeux de l’image projetée et du filmage en direct au théâtre   Entretien avec Iliya Chagalov

Réalisé par Kristina STRELKOVA©

CRITIQUES. Regard sur la technologie dans le spectacle vivant. Carnet en ligne de Theatre in Progress avec Comité de lecture (pour cet article: Théo Arnulf, Mélissa Bertrand, Claude Beyeler, Simon Hagemann, Rébecca Pierrot, Izabella Pluta)

Iliya Chagalov est un metteur en scène et vidéaste russe né en 1986 à Krasnodar. Il est un collaborateur fidèle de Kirill Serebrennikov pour qui il signe le travail vidéo dans les spectacles tels que Aro­und Ze­ro, A Mid­summer­night’s dre­am, The Hun­ting of the Snark ou dans des opéras comme Le Barbier de Séville, Salomé, par exemple. Il est également metteur en scène de The Fa­iry­tale Li­ves of Rus­si­an Girls ou de l’opéra Mi­nota­ur Dre­ams, entre autres. Depuis 2013, il est engagé dans l’activité artistique du Centre Gogol de Moscou, dirigé par Serebrennikov. Selon Chagalov, « le théâtre est un art synthétique, qui intègre toutes les formes et matières possibles de la culture ». Pour lui, le metteur en scène contemporain doit maîtriser tous les instruments de l’art scénique, c’est-à-dire, comprendre aussi bien l’espace et la dramaturgie que maîtriser des outils techniques. 

Kristina Strelkova : Pour commencer, parlons un peu de votre parcours professionnel …

Ilya Chagalov. Phot. DR

Iliya Chagalov : Je suis né et j’ai grandi dans la ville de Krasnodar. J’y ai suivi des études d’art dramatique. Mon premier professeur s’appelait Vladimir Rogoutchenko, il était l’un des disciples du légendaire Anatoli Vasiliev. Mes cours me semblaient toujours être sacrés. Il y avait des liens entre les gestes simples de l’acteur et les éléments de l’histoire la plus avant-gardiste du théâtre russe. Grâce à lui, j’ai vu beaucoup d’archives de laboratoires et de spectacles de Vasiliev. Cette formation parallèle au théâtre m’a donné la possibilité de repenser cet art et ses enjeux contemporains. Ensuite, j’ai passé le concours des metteurs en scènes à l’École-Studio du Théâtre d’Art de Moscou, (Школа-Студия МХАТ) où j’ai participé aux cours de Kirill Serebrennikov. C’était la seule école que je souhaitais suivre. Je me rappelle que, pendant l’audition, Serebrennikov qui faisait partie du jury n’a pas voulu écouter ni la fable récitée, ni les poèmes, ni la prose mais il m’a donné son appareil photo et m’a dit : « dans le couloir il y a une foule de candidats, essayez de les prendre en photo pour révéler leur caractère ». Dès notre deuxième année nous avons commencé à jouer nos spectacles dans différents lieux de Moscou : dans des boutiques, des ateliers, des usines, dans des caves à vins… Le but de se confronter à ces endroits in situ était d’apprendre à travailler dans des espaces vastes, avec des conditions vraiment pas théâtrales. J’ai donc gardé des traces vidéo de ces explorations où le mixage, parfois le montage, étaient très expérimentaux. Durant cette période, j’étais artiste vidéo pour différentes mises en scènes. En neuf ans, j’ai pu travailler dans des théâtres tels que le Théâtre d’art de Moscou de Tchekhov, le Tabakerka, le projet Plateforme, le Centre Gogol et également à l’étranger : au Théâtre National de Riga, au Centre Dramatique de Rouen, à l’Opéra de Stuttgart, au Théâtre Russe de Tallinn … J’ai signé également des spectacles en tant que metteur en scène, dramaturge, directeur artistique et compositeur de la musique. Lire la suite de Image projetée au théâtre/Entretien avec Iliya Chagalov

Acteur et mondes virtuels/Entretien avec Jean Lambert-wild

L’Acteur face aux mondes virtuels : limites et transgressions
Entretien avec Jean Lambert-wild

Réalisé par Izabella PLUTA©

CRITIQUES. Regard sur la technologie dans le spectacle vivant. Carnet en ligne de Theatre in Progress avec Comité de lecture (pour cet article : Théo Arnoulf, Mélissa Bertrand, Simon Hagemann, Izabella Pluta, Jeremy Perruchoud)

Cet entretien avec Jean Lambert-wild explore la question de l’avenir de l’acteur réel sur la scène aux temps des images virtuelles. Il a été réalisé le 19 novembre 2012 à la librairie Le Rameau d’Or à Genève après la sortie de mon livre L’Acteur et l’intermédialité, publié aux Editions l’Age d’homme (2011). Le travail de Jean Lambert-wild, poète, dramaturge, homme de théâtre, artiste dramatique, clown blanc, scénographe tient une place importante dans cet ouvrage, notamment de par mon analyse du projet interdisciplinaire et du spectacle intitulé Orgia qu’il signe en 2001. L’entretien fut amendé et complété en mai 2020.

Izabella Pluta : Notre discussion aujourd’hui se fait dans le cadre du vernissage de mon livre où ton travail occupe une place importante. Sa couverture porte la photo du spectacle Orgia que tu as réalisé en 2001. Nous nous sommes rencontrés également pour la première fois à l’occasion de cette mise en scène lors de tes représentations à Orléans. Orgia et la question de la technologie dans le spectacle vivant était alors notre point commun. La première eut lieu il y a onze ans déjà. Néanmoins, ce spectacle s’inscrivait d’ores et déjà dans l’histoire du théâtre et ses relations avec l’intermédialité1. Je tiens à souligner que ce qui posait longtemps problème dans ce type de création à composantes technologiques était l’acteur. Il s’agit de la figure vivante qui a sa partition de jeu et qui élabore son personnage d’une manière minutieuse.

Jean Lambert-wild. Phot. Tristan Jeanne-Valès©

Jean Lambert-wild : Le théâtre est un art ayant toujours su utiliser la technique au profit de sa poétique. Il n’y a en soi rien de nouveau. C’est l’inverse qui serait étonnant. Il s’agit d’un mouvement qui commence dès la Grèce antique, si on se souvient de toutes les machineries qui y furent inventées, puis dans le théâtre romain avec les jeux de rideaux comme le siparium2 ou l’aulaeum3 et aussi toutes les surprises que permettaient les deus ex machina. Cette ingéniosité se poursuivit avec le théâtre à l’italienne, puis avec les diverses fantasmagories du XIXe siècle. Lorsque l’électricité arriva dans les villes, elle fut tout de suite employée au théâtre. Ce dernier a toujours essayé de combiner ses espaces de narration et ses espaces de représentation avec les avancées techniques de son époque. Le théâtre est l’art de la tekhné, au sens que lui confèrent les stoïciens, celui d’une hexis hodopoiètiké4, un « habitus créateur de chemin ». En effet, sur scène, nous répétons en miroir les mémoires de notre époque. Nous les assimilons et nous les combinons avec les mémoires passées dont nous avons su garder la trace. Dans ce dispositif technique de mémoire, l’acteur est un vecteur d’information absolument unique car aucune image projetée ou son enregistré ne peuvent égaler ses capacités d’interprétation et de visualisation. L’acteur, s’il veut agir, doit travailler à être une mémoire libre de tous les réflexes sociaux. L’étrangeté de sa fonction n’a de sens que si elle nous émancipe de nos célébrations quotidiennes. Lire la suite de Acteur et mondes virtuels/Entretien avec Jean Lambert-wild

« La Vallée de l’étrange » de Stefan Kaegi / Critique

Quand les frontières entre l’original et la copie se brouillent

La Valleé de l’étrange de Stefan Kaegi

Auteure : Izabella PLUTA ©

CRITIQUES. Regard sur la technologie dans le spectacle vivant. Carnet en ligne de Theatre in Progress avec Comité de lecture (pour cet article: Mélissa Bertrand, Claude Beyeler, Simon Hagemann, Maude LaFrance, Jeremy Perruchoud)

Critique de « La Vallée de l’étrange », spectacle de Stefan Kaegi, présenté pour la première fois au Münchner Kammerspiele (Münich), le 4 octobre 2018.

PDF

En entrant dans la salle de spectacle où est présentée la mise en scène La Vallée de l’étrange, on aperçoit un plateau plongé dans la pénombre. A gauche sur un tapis carré se trouve un écran blanc et à droite – un fauteuil sur lequel est assis un robot humanoïde. A sa gauche, un ordinateur portable est posé sur une petite table. Soudainement, j’entends une spectatrice s’exclamer avec une petite excitation : « Il est déjà là ! ». En effet, l’humanoïde est là, immobile comme une statue de cire dont les marques robotiques telles que le câblage et le crâne recouvert de silicone étant moins perceptibles dans l’obscurité. On dirait qu’il nous attend, qu’il nous a à l’œil dès notre entrée dans cet espace…

Lorsque tout le monde est assis, la scène est baignée de lumière. Le robot nous regarde. On entend un raclement de gorge qui marque sa présence et qui commence le spectacle. L’humanoïde se présente : « Je suis Thomas Melle ». Il nous raconte que nous sommes là pour sa conférence sur l’instabilité et sur le phénomène de la « Vallée de l’étrange ». Nous comprenons que le robot possède une double fonction sur le plan actoriel. D’abord, il remplace et incarne l’écrivain allemand, Thomas Melle, qui n’apparaitra pas en chair et en os sur le plateau mais seulement comme image projetée à l’écran. Ensuite, Melle a prêté sa voix au robot dans le spectacle en allemand où on entend l’écrivain enregistré (dans la version française c’est Gilles Tschudi que nous écoutons ). On peut dire que l’acteur, ou plutôt la figure actorielle, est de nature composite :  le personnage que je nommerai « Melle-robot », est formé d’une construction mécatronique, présente sur le plateau, et d’une voix humaine enregistrée que le public entend des hauts parleurs.

Stefan Kaegi « La Vallée de l’étrange », Théâtre Vidy Lausanne. Phot. Izabella Pluta©

Melle-robot commente la première photo projetée sur l’écran, celle de l’écrivain réel : il a 6 ans et il semble être un enfant triste. Ensuite, nous voyons une deuxième photo projetée lorsqu’il a 17 ans. Elle est un peu verte et floue « comme lui-même d’ailleurs à cette époque » – ce qu’on entend depuis la scène – une personnalité plutôt en recherche identitaire. Lire la suite de « La Vallée de l’étrange » de Stefan Kaegi / Critique

Comédien et avatar/entretien avec Victor Cuevas

Comédien et avatar. Vers une réinvention de l’espace de jeu. Entretien avec Victor Cuevas

Réalisé par Izabella PLUTA©

CRITIQUES. Regard sur la technologie dans le spectacle vivant. Carnet en ligne de Theatre in Progress avec Comité de lecture

Victor Cuevas est un comédien mexicain qui après sa formation qu’il considère plutôt conventionnelle, s’est lancé dans l’expérimentation avec les différents dispositifs numériques et dans la recherche-création. Il nous fait part dans cet entretien de ses expériences technologiques, menées notamment à l’Université Paris 8 au Département Théâtre, dans le cadre de l’atelier-laboratoire Idéfi-Créatic[1]. Il les contextualise par rapport à sa formation initiale ainsi qu’à la formation continue qu’il a accomplie avec Ariane Mnouchkine et Yoshi Oïda, entre autres. Nous nous sommes rencontrés à l’occasion du projet Scène augmentée. Masque et avatar, notamment lors du Cluster Workshop 3, session de travail et de réflexion (6-7 mai 2016), réalisé à l’Université Paris 8. Victor Cuevas y a participé en tant que comédien et expérimentateur du dispositif et moi-même en tant qu’intervenante théorique.

Izabella Pluta : Pourriez-vous présenter votre formation d’acteur ?

Cuevas
Victor Cuevas. Phot. Dr

Victor Cuevas : J’ai commencé ma formation en tant que comédien à Mexico auprès de metteurs en scène tels que Sara Zúniga, Felio Eliel, Joel Rangel, Alejandro Bichir et la Ligue Mexicaine d’Improvisation. Entre 2008 et 2015, je l’ai complétée en Europe en faisant de nombreux stages : avec le Théâtre du Soleil, Antagon TheaterAKtion, Yoshi Oïda, Odin Teatret, Horazio Czertok, Fréderic Ligier, Regina Ramsl, Thierry Salvatori, Mandoline Whittlesey, Andrew Morrish, Katja Mustonen, David Lakein et Ulla Mäkinen. En France, j’ai intégré l’Université Paris 8 où j’ai obtenu les diplômes en études théâtrales (Licence et Master). Lire la suite de Comédien et avatar/entretien avec Victor Cuevas

Du virtuel à la sensation…

Du virtuel à la sensation : la webcam et les réseaux comme générateurs de présences en creux

Auteur: Mélissa BERTRAND ©

CRITIQUES. Regard sur la technologie dans le spectacle vivant. Carnet en ligne de Theatre in Progress avec Comité de lecture:

Critique du « iShow », spectacle du collectif Les Petites Cellules Chaudes, présenté pour la première fois aux Écuries dans le Off du Festival TransAmérique (Montréal), le 30 mai 2012.

Si les technologies sont de plus en plus utilisées dans les spectacles et performances actuels, elles le sont souvent dans un rapport au temps, à l’espace mais aussi au corps : elles le cernent, le redoublent, l’amplifient, le subliment ou le découpent pour en offrir une vision kaléidoscopique. Il existe aussi des médiums technologiques qui viennent à leur manière prolonger le corps sans pour autant l’ancrer dans une réalité redoublée et décuplée qui agirait comme un microscope venant l’analyser, voire l’ausculter. Ils créent – ou rendent perceptible – un espace intermédiaire mais difficile à délimiter.

Cette zone médiane est en partie liée avec la notion de virtualité. Comme le suggère Olivier Asselin dans son article « L’aura de la technologie. Un certain usage de la réalité mixte sur la scène et au musée », le réel et le virtuel ne s’opposent pas mais s’inscrivent plutôt dans un continuum, révélant ce qui est en puissance dans ce qui est, et vice-versa. Le virtuel est même ce qui permet au sujet de se dédoubler et d’ouvrir sa perception, ce que remarque Bernard Andrieu dans son texte « Les avatars du corps ». Les technologies font apparaître des aspects du corps potentiels ou du moins qui ne se manifestent pas matériellement mais qui existent bel et bien. L’utilisation de technologies du quotidien, comme les webcams et réseaux sociaux, placent les performances qui y font recours du côté de la banalité – ce sont des technologies ordinaires, connues de tous – qui inspire cependant une quête de sensationnel souvent associée à la culture populaire (télé-réalité, défis viraux sur les réseaux sociaux, vie parallèle au travers d’un avatar sur une plateforme quelconque…). L’usage des dispositifs de la vie courante joue essentiellement sur ce déroulement des possibles permis par le virtuel. Dans cette optique, ce qui est recherché semble se trouver dans les effets produits par la rencontre du corps et des nouvelles technologies. Alors que ces dernières sont souvent associées au trucage ou à la machinerie des effets spéciaux spectaculaires, le manque de cadrage ou l’utilisation volontairement décontractée d’un médium comme la webcam nous font penser la technique comme témoin d’un quotidien non-artificiel, sans mise en scène, en bref, authentique. Lire la suite de Du virtuel à la sensation…

Georges Gagneré et Cédric Plessiet/Entretien par Izabella Pluta

« Sur la collaboration d’un metteur en scène et d’un programmeur : des synergies aux hybridations des compétences professionnelles »

Entretien  réalisé par Izabella PLUTA ©

CRITIQUES. Regard sur la technologie dans le spectacle vivant. Carnet en ligne de Theatre in Progress avec Comité de lecture

Georges Gagneré, enseignant-chercheur et metteur en scène  et Cédric Plessiet, programmeur, artiste visuel et enseignant-chercheur, ont fait partie du projet interdisciplinaire La scène augmentée : jeu de l’acteur, pratiques de création et modes de transmission, renommé ensuite Masque et avatar qui a débuté en 2014 et qui s’est achevé en décembre 2017. Implanté au Laboratoire d’excellence Labex Arts-H2H à l’Université Paris 8, il s’est donné comme champ de recherche la relation de l’art et des nouvelles technologies et plus concrètement la relation de l’acteur avec le masque et avec l’avatar pour s’interroger sur le concept du masque technologique. A partir de fin 2015, les principaux participants à ce projet, Erica Magris (enseignante-chercheuse), Giulia Filacanapa (metteure en scène et chercheuse), Georges Gagneré ont été rejoints par Cédric Plessiet. Le projet s’est réalisé également avec la participation des acteurs de la Cie Gente Gente !! (troupe de commedia dell’arte) et avec les étudiants du Département du Théâtre de l’Université Paris 8, qui se sont portés volontaires pour cette expérimentation durant plusieurs workshops, l’expérimentation appelée Masque et Technologies. La forte dimension interdisciplinaire de ce projet a déterminé non seulement la méthode de travail, mais a également interrogé les frontières des compétences professionnelles des collaborateurs. Par conséquent, le metteur en scène est amené à programmer et à coordonner, le programmeur est confronté à la direction d’acteurs et le comédien masqué joue avec l’avatar. En ayant suivi deux ateliers entre 2015-2016, j’ai interrogé Georges Gagneré et Cédric Plessiet sur cette phase du projet en me concentrant sur la spécificité de leur collaboration et sur les mutations de leurs compétences professionnelles dues au travail interdisciplinaire et intermédial.

Izabella Pluta : Pourriez-vous présenter votre spécialisation professionnelle ?

Georges Gagneré : Je suis metteur en scène et je me considère également « concepteur de dispositifs intermédia ». Ce dernier terme implique à la fois la scénographie sur le plateau théâtral et l’acteur qui y joue. Il explicite ma manière de penser une scénographie dynamique numérique. Le jeu vidéo offre aujourd’hui l’exemple d’un « espace scénographique fluide », en l’occurrence une image 3D virtuelle, qui permet de construire une dynamique interactionnelle de « jeu scénique avec l’espace » pour les acteurs virtuels qui l’habitent, les avatars. Lire la suite de Georges Gagneré et Cédric Plessiet/Entretien par Izabella Pluta

machina eX « Toxik »

Quand le spectateur devient joueur. L’expérience du théâtre-jeu « Toxik » au théâtre Hebbel am Ufer à Berlin
Auteur: Réjane DREIFUSS ©

CRITIQUES. Regard sur la technologie dans le spectacle vivant. Carnet en ligne de Theatre in Progress avec Comité de lecture:

Critique du théâtre-jeu  « Toxik » du collectif machina eX en collaboration avec Martin Ganteföhr, première : le 7 octobre 2015 au théâtre Hebbel am Ufer HAU à Berlin

Le Game Theater est une nouvelle forme de théâtre qui a la particularité de s’inspirer des jeux vidéo et dont les créations, prenant des allures tout à fait analogues, exigent la participation active des spectateurs dans le déroulement du spectacle qui se joue dans l’espace réel. Le terme a été notamment proposé par le critique de théâtre allemand Christian Rakow dans son article « Playing Democracy » publié en 2013 dans la revue numérique « nachtkritik.de ».

En Allemagne, le collectif machina eX est l’un des pionniers de cette esthétique, explorée également par d’autres groupes de théâtre, comme Blast Theory (Angleterre), Signa (Danemark/Autriche) ou encore Extraleben (Suisse). Fondé à Hildesheim en 2010 par huit étudiants en sciences culturelles, tous mordus de jeux vidéo et de théâtre, machina eX a obtenu un succès croissant avec ses productions telles que « 15’000 Gray » (« 15’000 gris », 2011), « Wir aber erwachen » (« Nous qui nous réveillons », 2012), « Hedge Knights » (« Chevaliers d’aujourd’hui », 2013), « Right of Passage » (« Droit de passage », 2014), « Toxik » (« Toxique », 2015) et « Lesson of Leaking » (« Leçon de fuite », 2016). Aujourd’hui, le collectif se compose de Anna Sina Fries (scénographie), Robin Hädicke (conception de son), Nele Katharina Lenz (art vidéo), Lasse Marburg (dramaturgie), Mathias Prinz (conception de son), Laura Alisa Schäffer (dramaturgie) et Jan Philip Steimel (conception d’interactions). Lire la suite de machina eX « Toxik »

« Theatres of engagement » d’Andy Lavender / Recension

« Reconfigurations de l’expérience théâtrale dans les spectacles intermédiaux au début du XXIe siècle »
Recension par Simon HAGEMANN©
CRITIQUES. Regard sur la technologie dans le spectacle vivant. Carnet en ligne de Theatre in Progress avec Comité de lecture
Recension du livre : Andy Lavender « Performance in the twenty-first century. Theatres of engagement», Londres et New York, Routledge, 2016, 213 pages. Livre en anglais

Du fait de l’éclatement des formes théâtrales durant le XXe siècle, il semble de plus en plus difficile d’identifier des lignes d’évolution claires de celles-ci. Néanmoins quelques tendances restent perceptibles. Andy Lavender, professeur de théâtre et directeur de la School of Arts à l’University of Surrey propose d’étudier quelques spectacles performatifs des deux dernières décennies. Il les considère plus ambitieux par leur implication sociale que leurs prédécesseurs postmodernes, lesquels étaient basés principalement sur l’ironie et une certaine distance par rapport au réel. C’est de ce constat que Lavender part, dans son livre Performance in the twenty-first century. Theatres of engagement, pour analyser et interpréter une grande quantité de spectacles de cette période. Le livre consiste en neuf essais qui peuvent être lus de façon indépendante, mais qui se complètent et dont l’ensemble permet d’avoir une image plus globale de l’état du théâtre contemporain et de la lecture qu’en propose Lavender. Ces neuf essais sont organisés en trois parties, centrées respectivement sur la médiation, l’acteur et le spectateur – encadrées par une introduction générale et une sorte de conclusion ou plutôt d’ouverture. Lire la suite de « Theatres of engagement » d’Andy Lavender / Recension

Laureline LE BRIS-CEP et Adrien GUIRAUD / Entretien

 « Conscience de l’image. Entretien avec les comédiens Laureline Le Bris-Cep et Adrien Guiraud »

Réalisé par Izabella PLUTA © dans le cadre des représentations du spectacle Ctrl-X, mis en scène par Cyril Teste et MxM au Théâtre Poche à Genève

CRITIQUES. Regard sur la technologie dans le spectacle vivant. Carnet en ligne de Theatre in Progress avec Comité de lecture (pour cet entretien : Claude Beyeler, Margot Dacheux, Simon Hagemann, Maude LaFrance) 

Critique du spectacle : « Ctrl-X», mise en scène: Cyril Teste, scénographie: MxM, première: avril 2016 au Théâtre Poche à Genève, Suisse

Sur le spectacle « Ctrl-X »…PDF
« Ida rentre chez elle dans la nuit et allume son ordinateur. Sa sœur, Adèle, ne cesse de l’appeler, inquiète, mais Ida désire être seule. Le spectateur assiste à cette nuit d’errance immobile sur internet où toute la matière textuelle et interactive qui traverse ce personnage énigmatique nous est présentée. Rien n’est dit de la vie d’Ida, mais par le canal numérique, nous parvenons à saisir l’essentiel de son intimité » (Dossier de presse, Théâtre Poche, Genève).

  L. Le Bris-Cep et A. Guiraud dans    « Ctrl-X » de C. Teste et MxM. Phot. Samuel Rubio©

Izabella Pluta: Nous venons de voir le spectacle Ctrl-X, création de Cyril Teste et du collectif MxM, un spectacle intimiste, utilisant un dispositif technologique complexe. Une mise en scène avec trois jeunes interprètes, Laureline Le Bris-Cep, Adrien Guiraud et Agathe Hazard Raboud qui semblent avoir assimilé facilement les enjeux de l’image projetée. Laureline Le Bris-Cep dans le rôle d’Ida et Adrien Guiraud jouant Pierre et Laurent, vous avez fait votre formation de comédien à Cannes. Quel est le parcours qui mène de l’école d’acteur au travail de Cyril Teste ?

Laureline Le Bris-Cep: Avec Adrien, nous sommes sortis de L’École Régionale d’Acteurs de Cannes (ERAC) en 2014. Nous avons été dans la même promotion. Ça fait deux ans que je travaille vraiment en tant que comédienne depuis l’école.

Adrien Guiraud: Je peux préciser qu’avant l’école de Cannes nous étions également ensemble au Conservatoire du 5ème arrondissement à Paris, avec Bruno Wacrenier.

L. Le Bris-Cep: Nous avons rencontrés Cyril Teste à l’ERAC lorsque nous étions en 3ème année. A ce moment-là, nous avons réalisé avec lui un film: Imago. C’est comme ça que nous avons commencé à travailler avec lui.

I. Pluta: C’est intéressant d’avoir cette expérience cinématographique durant votre formation, ce qui est une pratique relativement présente dans les écoles de théâtre, rappelons-le. Pourriez-vous parler de vos observations par rapport à ces deux domaines artistiques lors de cet atelier avec Cyril Teste ? En tant que comédiens, voyez-vous des similarités entre les approches de création propres au plateau du théâtre, notamment sur le plan des techniques contemporaines dédiées à l’écriture scénique, à la recherche-création, et la réalisation d’un film ? Lire la suite de Laureline LE BRIS-CEP et Adrien GUIRAUD / Entretien